dimanche 14 décembre 2014

Fwd: Autour de l'évaluation : 3 textes à votre intention



Dans l'enseignement supérieur, la fin des notes n'est pas pour demain

À la faveur du débat sur les notes à l'école, quelques voix émergent sur leur sort à l'université. Si on est encore loin de la fin des notes dans l'enseignement supérieur, beaucoup plaident pour une réinvention des méthodes d'évaluation.

Les notes passent leur grand oral cette semaine lors des journées de l'évaluation. Jusqu'au brevet, marquant la fin du collège, un barème de 4 à 6 niveaux, comme ce qui se fait en Allemagne, ou encore un système de lettres, comme aux États-Unis, pourraient remplacer la sacro-sainte note sur 20.

Si rien n'est officiellement à l'étude du côté de l'enseignement supérieur, la question existe, «sans être une priorité», comme le résume le syndicat étudiant Unef. Ce dernier se déclare «favorable» à la suppression des notes à l'université autant que dans le primaire et le secondaire, mais ajoute que «la communauté universitaire n'est pas prête». «On se focalise donc sur des revendications intermédiaires», explique Martin Bontemps, élu Unef au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). Il détaille: «Il faut en premier lieu améliorer l'évaluation et l'encadrement des étudiants». Un point de vue dans l'ensemble partagé par Marc Neveu, co-secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement supérieur (Snesup). «Le débat est engagé, mais porte sur le processus global d'évaluation» déclare l'enseignant, qui explique que les discussions portent ainsi plutôt sur la nature des contrôles de connaissance et leur fréquence que sur l'importance de la note.

Les notes, utiles aux enseignants et aux recruteurs… mais pas aux étudiants?

«Il est important de fournir un retour à l'étudiant, et que celui ci soit adapté à chaque discipline», poursuit-il, expliquant en substance qu'on ne peut pas évaluer de la même manière un étudiant en histoire et un futur informaticien. Il reconnaît que la note, «c'est le plus simple, le plus habituel». Mais déplore tout de même le caractère central qu'elle revêt pour beaucoup d'étudiants. «Ils sont souvent focalisés sur la note, et pas sur l'apprentissage. Il faudrait réussir à les débarrasser de ça, et les convaincre que l'essentiel réside dans l'acquisition d'un savoir.»

Pour ce faire, David Noble, historien et professeur à la York University (Canada), a bien une solution: faire disparaître les notes. Il raconte sur un blog avoir esquivé, toute sa carrière durant, ce passage obligé. En dépit des réticences de son établissement. Pour lui, c'est bien simple, les notes à l'université servent aux enseignants - qui se rassurent via cette évaluation sur leur propres prestations, et aux recruteurs - puisqu'elles fournissent «une mesure hiérarchisée de leur potentielle force de travail», mais desservent «les étudiants et l'éducation».

La fin des notes à l'école, premier pas vers un changement à l'université?

Y'aurait-il alors une confusion entre «évaluation» globale et simple «contrôle» de points spécifiques? François Fourcade, enseignant à l'ESCP et auteur d'un blog sur l'innovation et la recherche en pédagogie, n'a rien contre la note «tant qu'elle est une mesure comme une autre du travail réalisé». Mais il insiste sur la nécessité de l'expliquer, la contextualiser, afin qu'elle devienne utile à l'élève. «D'une manière générale, l'idéologie du chiffre et de la mesure censure les phénomènes de coopération et réduit les phénomènes d'autorisation, c'est-à-dire les prises de risques et les potentiels d'innovation, détaille-t-il sur son blog. A partir du moment où l'élève comprend ce qu'il «doit faire» pour obtenir une bonne note, il cesse, de fait, d'être impliqué dans son processus d'apprentissage. Il se contente d'être un bon stratège, faute de saisir vraiment la valeur de ce qu'il apprend», regrette l'enseignant.

Certains arguent ainsi que les étudiants eux-mêmes seraient contre la suppression des notes. Cela n'étonne pas l'Unef: «La mise en compétition générale commence dès la maternelle. Arrivé dans le supérieur, c'est intériorisé.» Mais si le système de notation était réinventé, justement, à l'école et au collège? «Cela pourrait changer les mentalités et ouvrir le débat», croit Martin Bontemps.

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Trois leçons sur l'évaluation

11 décembre 2014

En cette période de l'année, il y a de fortes chances que les gens qui travaillent en enseignement soient en train de corriger des copies et, peut-être aussi, de se plaindre de ce qui leur semble un des aspects les moins agréables de leur métier, souvent donné pour un mal nécessaire: évaluer leurs élèves.

On a, depuis un demi-siècle environ, fait énormément de recherches sur l'évaluation des apprentissages des élèves. On pose dans ces travaux – je mets ici de côté cette évaluation dite diagnostique, qui sert notamment à repérer les difficultés d'apprentissage et qui est un autre sujet – des questions comme les suivantes, aux réponses souvent modulées selon les niveaux, les disciplines ou le type d'enseignement:

Une évaluation juste est-elle possible? Évaluer est-il nécessaire? Est-ce seulement souhaitable? Et si oui, sous quelle forme? Quels périls guettent toute évaluation dans ses principes, ou dans sa mise en œuvre, ou dans ses effets? Faut-il privilégier des évaluations formatives ou plutôt sommatives? Et si oui, dans quelle proportion? Faut-il préférer des évaluations portant sur des réalisations individuelles ou sur des travaux d'équipes? Est-il sage d'utiliser des portfolios? Faut-il noter par chiffres ou par lettres? Vaut-il mieux poser des questions ouvertes, à choix multiples, semi-objectives?

On le devine: les problèmes soulevés par tout cela sont nombreux et, pour certains d'entre eux, graves et lourds de conséquences. Je ne peux évidemment pas les aborder ici. Mais je voudrais malgré tout porter ici à votre attention trois idées qui me semblent vraies et importantes et qui méritent pour cela d'être mieux connues.

Évaluation et enseignement

La première est conceptuelle et prend la forme d'un argument dû au philosophe Anthony Flew. Je le résumerais ainsi.

Enseigner, c'est avoir l'intention de faire apprendre, et cela peut bien entendu être bien fait, moins bien fait, voire mal fait. Mais si on prend au sérieux cette intention, on voudra savoir si on a ou non réussi à faire apprendre. Évaluer ses étudiants est précisément ce qui le permet, de sorte que si on prend au sérieux le fait d'enseigner, on procédera à des évaluations des personnes à qui on enseigne afin d'apprendre quelque chose sur la valeur de notre enseignement. Cet argument, on l'aura deviné, suppose des critères de succès les plus clairs possible auxquels seront rapportés les résultats obtenus dans l'évaluation.

Il est important de noter que cet argument ne dit rien sur la manière d'évaluer ou sur les conséquences, sur qui que ce soit, des résultats obtenus: il rappelle simplement l'existence d'un lien conceptuel entre enseignement et évaluation, et que l'évaluation est par ce lien une activité nécessaire, parce qu'elle renseigne sur le succès ou l'insuccès d'un enseignement. Un ami très cher allait dans le même sens quand il disait qu'il détestait quand ses étudiant.e.s échouaient parce qu'alors, en partie au moins, il échouait lui aussi, avec eux.

Une précieuse leçon de la recherche empirique

La deuxième idée que je veux rappeler est un résultat de recherche très fiable et qui pourra vous étonner: les élèves sont remarquablement efficaces pour prédire les résultats qu'ils vont obtenir à un examen, à une épreuve. En somme, ils et elles savent d'avance, avec une bonne précision et avant toute évaluation, combien ils ont appris!

Certains diront devant ce résultat qu'on se demande bien pourquoi on évalue, si du moins la seule raison de le faire est que les élèves sachent où ils en sont, et suggéreront que l'évaluation n'est qu'un instrument de domination, de hiérarchisation et de reproduction des inégalités.

Il y a une indéniable part de vrai dans ces dernières idées, qui décrivent bien une des fonctions des systèmes d'éducation. Mais il faut faire attention: car une autre importante réponse à la question de savoir pourquoi on évalue se trouve dans l'argument de Flew: on évalue aussi pour que l'enseignant (et avec lui le système scolaire) sache ce que vaut l'enseignement dispensé.

Une autre conséquence importante de ce résultat de recherche est mise en évidence par le précieux John Hattie. La voici en mes mots. Ces élèves, qui savent si bien estimer les résultats qu'ils auront lors d'une évaluation, se fixent aussi pour eux-mêmes des buts, ont pour eux-mêmes des attentes. Les enseignantes devraient en profiter pour faire en sorte que les élèves haussent les objectifs qu'ils se donnent. Enseigner ne devrait pas simplement viser à ce que les élèves atteignent leurs objectifs, mais faire en sorte qu'ils aillent au-delà des cibles qu'ils ou elles se donnent, faire en sorte qu'ils s'en donnent de plus élevées. Vaste mais crucial programme.

L'exemple finlandais

La troisième idée que je veux rappeler nous vient de Finlande.

Elle repose sur cette idée déjà évoquée que l'évaluation renseigne sur la qualité de l'enseignement et sur la valeur du système qui le dispense. Elle a donc une valeur pour l'enseignant, mais aussi pour le pilotage du système scolaire.

À ce propos, la manière dont la Finlande recueille et utilise les résultats des évaluations est intéressante. Pierre Merle explique: «Pilotée de façon centralisée, l'évaluation standardisée [en Finlande] permet d'identifier les établissements dans lesquels, en moyenne, les résultats scolaires des élèves sont plus faibles. Ces résultats […] ne sont pas publiés. Seules les équipes pédagogiques des établissements concernés sont informées des résultats de leur établissement. L'objectif poursuivi est d'étudier les difficultés spécifiques rencontrées par les professeurs dans certains établissements et de trouver des solutions pour améliorer le niveau moyen des élèves. L'évaluation standardisée a ainsi une finalité formative.»

En lisant ces mots, je n'ai pu m'empêcher de penser à toutes ces raisons de douter de la valeur de certaines évaluations nationales menées par le MELS qui ont été soulevées au fil des ans, en me disant que des occasions de récolter de précieuses informations pour le pilotage de notre système scolaire ont peut-être été de la sorte perdues. J'aimerais me tromper sur ce point…

Sur ce, chères collègues et chers collègues, bonnes corrections. 

Une lecture: Pierre Merle, faut-il en finir avec les notes?

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L'évaluation des élèves ne se réduit pas aux notes

L'évaluation des élèves ne se réduit pas aux notes, mais doit les aider à mieux apprendre et développer l'estime de soi, ont insisté des experts de l'éducation, réunis jeudi et vendredi à Paris lors d'une conférence nationale destinée à présenter des recommandations au gouvernement.

L'exécutif a "choisi de porter sur la place publique la question de l'évaluation des élèves afin de tenter de faire émerger un consensus", a dit en préambule la directrice générale de l'enseignement scolaire, Florence Robine. "On nous a dit que c'était un pari extrêmement risqué" car "extrêmement sensible", a-t-elle souligné.

Cette réforme est un serpent de mer, qui soulève débats et polémiques souvent réduits à la question "faut-il supprimer les notes?" voire à leur éventuel remplacement par des couleurs ou des lettres.

Des recommandations seront remises en janvier à la ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem qui présentera ensuite, à une date encore inconnue, ses orientations.

Le débat "note/pas note" est "stérile", a insisté le professeur des universités André Antibi, président du Mouvement contre la constante macabre, phénomène qui conduit selon lui des enseignants français à mettre d'office inconsciemment un pourcentage de mauvaises notes pour se sentir crédibles. Le problème en France "n'est pas un problème de notes mais un problème de culture de l'évaluation".

Les évaluations ne se réduisent pas aux notes, a aussi martelé Agnès Florin, professeur des universités: le débat est "du côté des évaluations qui aident les élèves à mieux apprendre".

L'école est un "lieu fondamental de construction de l'estime de soi" et "plutôt que repérer les manquements", il faut encourager l'élève à travers une évaluation qui "forme le citoyen de demain" et permettra d'éviter ce "pessimisme français" pointé par les enquêtes internationales, a-t-elle plaidé.

- Erreurs inévitables -

Les jeunes Français "craignent la note" et dès la maternelle, "les enfants sont capables de classer les élèves en fonction de leurs performances alors qu'il n'y a pas de classement", a relevé Mme Florin.

Rappelant les résultats d'une étude sur la qualité de vie scolaire, elle a souligné que 25% à 30% des élèves n'aimaient pas l'école, 67% avaient peur d'avoir une mauvaise note et "c'est pire au collège" (73%). "On est beaucoup plus centré sur l'observation de la leçon que sur l'observation de l'enfant et de ses difficultés", a-t-elle déploré.

A côté de l'évaluation classique, il y a aussi l'évaluation "implicite", comme les haussements d'épaule de l'enseignant qui ne sont "pas conscients" mais auxquels les enfants sont sensibles, a encore dit Agnès Florin.

Ce qui "frappe" l'historien Antoine Prost, "c'est l'appauvrissement des procédures d'évaluation", "les élèves et les parents ne voient plus que la note".

La note sur 20 est apparue à Polytechnique au début du XIXe siècle pour descendre dans l'ensemble du système secondaire, rappelle-t-il. "Ce sont les mécanismes de sélection d'une élite qui vont successivement pénétrer la totalité du système."

Or, dit-il, ce système est "pervers" car "la note est faite pour le classement des élèves qui savent, les élèves qui ont appris, mais elle n'est pas faite pour les apprentissages, parce que l'élève qui apprend, par définition, ne sait pas encore, et pendant son apprentissage, il commet inévitablement des erreurs.

Donc, "tenir compte des erreurs inévitables dans le processus d'apprentissage pour l'évaluation finale, c'est de mon point de vue immoral": "quand vous apprenez à skier vous tombez, et si le fait que vous soyez tombé vous disqualifie (...), d'une certaine manière la note tue l'apprentissage".

Avant même la tenue de cette conférence nationale, le syndicat d'enseignants Snalc avait toutefois critiqué la composition du jury estimant qu'elle "confirmait de façon éclatante que le débat n'aura pas lieu, faute de +débattants+", tous ses membres étant selon lui "du même camp".



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