lundi 13 mai 2013

Ardent promoteur de l’art de la conversation...



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 « "" Ardent promoteur de l'art de la conversation, le Britannique Theodore Zeldin vient d'envoyer des mails à 60 000 Français de Londres pour « les inciter à converser avec les autres communautés, à sortir de leur cloisonnement. »
Sa vaste maison est étrange. Une sorte de grand cube blanc, aux larges fenêtres, qui pourrait ressembler à une villa de la Côte d'Azur, échouée dans la campagne anglaise, à quelques miles d'Oxford. Elle se nomme « Tumbledown House », soit : « la maison délabrée ». Son salon est étrange. Presque sans meubles. Des piles de livres. Un petit portrait d'homme, qui pourrait être un Balthus.

Theodore Zeldin s'assied à côté du visiteur, face au jardin, où l'orage gronde. Il explique, dans un français parfait, qu'il vient de prendre « 60 000 Français comme cobayes. » L'ambassadeur de France à Londres l'élève au rang de commandeur de la Légion d'honneur. Alors, pour marquer l'événement, le sociologue et historien britannique a décidé d'envoyer des mails à 60 000 Français de Londres pour « les inciter à converser avec les autres communautés, à sortir de leur cloisonnement. »

La conversation est le combat de Theodore Zeldin. Il s'est fait connaître mondialement par sa volumineuse Histoire des passions françaises. Il se consacre maintenant à l'art de la conversation, animant des tables rondes au sommet de Davos qui réunit les puissants, collectant des vies anonymes au sein de l'Oxford Muse Foundation.

« Le projet est d'extraire de soi-même l'expérience de sa vie. Chaque expérience est unique. Nous sommes entourés de mystères. C'est merveilleux. Ma vie s'est passée à découvrir des mystères, ce qu'il y avait dans la pensée des hommes. L'approche britannique est empirique. C'est en France que j'ai appris à généraliser, vers l'universalisme. » Il a aimé travailler sur les Français. « Ils m'ont enseigné l'idée de "l'art de vivre". » Cela dit, il estime que « le concept "d'être français" n'existe que depuis très récemment. C'est un épisode de l'histoire. »

« CE QUI COMPTE LE PLUS POUR LES ANGLAIS ? LA FAMILLE ET LES AMIS »
Theodore Zeldin n'est pas très disert sur les Britanniques. Il s'interroge : « à quoi s'identifient-ils ? Pas à leurs opinions politiques, ni à leur syndicat, ni à la religion qu'ils pratiquent avec modération. L'anglicanisme n'a jamais eu une définition très stricte de ce que l'on doit croire. Ce qui compte le plus pour eux me semble être la famille et les amis. Aujourd'hui, la relation familiale essaie de devenir une amitié, une relation choisie où l'on met la confiance que l'on ne peut placer ailleurs. L'amitié est une conversation perpétuelle. Je ne peux pas comprendre ma propre pensée sans vous. » Pour autant, Theodore Zeldin assure qu'il n'a pas envie de se connaître. « Le "connais-toi toi-même" est impossible. »

Un orage de grêle frappe aux carreaux du salon. Theodore Zeldin évoque ses parents, qui avaient quitté la Russie en 1920. « Ma mère était la première dentiste russe. Mon père était colonel de l'Armée russe contre les Allemands, puis directeur d'une grande société d'ingénierie. Après la révolution d'Octobre, on l'a placé sous les ordres d'un responsable politique. Alors, ils sont partis pour Vienne, avec un petit mouchoir rempli d'or. »

De là, le père de Theodore Zeldin part construire des routes et des ponts en Palestine, sous mandat britannique. C'est là que naît son fils. « Mais mon père n'acceptait pas le sionisme. Nous nous sommes installés en Égypte, où mes parents m'ont mis à l'école anglaise. » Les études brillantes de Theodore Zeldin le conduisent ensuite à Christ Church, l'un des collèges les plus réputés d'Oxford. « J'y ai eu des conversations avec des fils de l'aristocratie, souvent d'une intelligence exceptionnelle. Je ne peux pas réfléchir seul. Là-bas, à Christ Church, j'étais grisé d'avoir accès à une bibliothèque qui mettait huit millions d'ouvrages à ma disposition. »

« MON BUT EST DE COMPRENDRE COMMENT LES GENS PEUVENT EXISTER DE FAÇON NOBLE »
Il reste à Oxford pour enseigner et devenir doyen du St Anthony's College, spécialisé dans les relations internationales. « Certains traits de ma jeunesse sont toujours là. Mais je ne suis pas exactement le même. Il est dangereux d'avoir une idée fixe sur ce que l'on est. »

La terre est sa nation. Son Histoire intime de l'humanité explore les émotions, les relations et les peurs au sein des différentes sociétés de l'histoire. Il revient souvent sur cette peur. « Je suis un lâche physiquement. Intellectuellement, je n'ai pas peur de faire des bêtises. La curiosité est une manière de tuer la peur. » Theodore Zeldin est – peut-être – britannique par cette réserve sur lui et face à l'autre. Il peut l'être aussi par son doute amusé face aux généralisations françaises.

« Mon but est de comprendre comment les gens peuvent exister de façon noble, honnête, curieuse, intelligente et bienveillante. C'est difficile. » Cette difficulté reconnue devient une force dans les yeux de l'historien. « Ce qui m'intéresse, c'est la difficulté de vivre ensemble. C'est difficile de vivre. » La liberté le tient. La sienne et celle des autres. « Mon but n'est pas de vous persuader, mais de vous découvrir, pour me nourrir et pour vous donner quelque chose. » Le soleil est revenu sur son jardin. Theodore Zeldin sourit. "" »
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