jeudi 3 décembre 2009

Fwd: Vrai ou faux "climategate", a la veille de Copenhague ?,


 
Analyse. Vrai ou faux "climategate", a la veille de Copenhague ?, Le Monde, 01/12/09, 13h29
Stephane Foucart (Service Planete)
 
Depuis vendredi 20 novembre, la blogosphere bruisse d'un scandale considerable. Des milliers de sites Web, de blogs, de forums assurent, preuves a l'appui, que toute la science climatique est fondee sur une gigantesque manipulation, organisee a l'echelle de la planete depuis plus d'une decennie.
A la veille de la conference de Copenhague, du 7 au 18 decembre, des pirates informatiques se sont infiltres dans les serveurs de l'unite de recherche climatique (CRU) de l'universite d'East Anglia (Royaume-Uni). Ils y ont derobe une masse importante de documents - dont plus de treize annees d'archives de courrier electronique. Une soigneuse selection de fichiers, dont 1 073 messages echanges entre climatologues du CRU et leurs collegues europeens et americains, ont ete mis en circulation sur le Net, le 19 novembre. Pour la blogosphere "climato-sceptique", ces echanges, frauduleusement obtenus, montrent que des climatologues en vue trichent sans vergogne.
Qu'en est -il ? En realite, au plan scientifique, seule une phrase pourrait accrediter une manipulation de donnees. Dans un message, Phil Jones, le directeur du CRU, dit ainsi avoir utilise une "astuce" (trick, en anglais) pour "masquer le declin" de temperatures. Dans un communique, M. Jones a reconnu avoir employe ces termes, precisant que le mot "astuce", utilise dans un "contexte familier" signifiait "quelque chose d'intelligent a faire". Il n'y avait en outre nulle manipulation puisqu'il s'agissait de corriger une divergence bien documentee entre mesures de temperature et epaisseur des cernes d'arbres...
N'y a-t-il que cela, dans ces morceaux savamment choisis de plus d'une decennie de correspondances ? Non, bien sur. Il y a, aussi, les arriere-cuisines de la science : bricolages, conflits d'ego, tribalisme. Autant le dire, ces arriere-cuisines ne sont jamais tres reluisantes.
Par exemple, certains des interesses usent de leur influence pour entraver la publication de travaux dits "climato-sceptiques". Est-ce a dire que les travaux allant a l'encontre du consensus sont systematiquement empeches ? Non. Une preuve en est, parmi beaucoup d'autres, que les travaux qui ont le plus interroge les climatologues ces dernieres annees sont les premieres mesures du reseau de bouees Argo. Celles-ci semblaient montrer un refroidissement des oceans depuis 2003 ! Or ces travaux ont non seulement ete publies, fin 2006, dans une grande revue - avant d'etre invalides pour cause de mauvaise calibration d'instruments -, mais il n'en est nullement question dans les courriels voles.
La lecture de certains d'entre eux n'en est pas moins perturbante. Un climatologue demande par exemple a ses correspondants d'effacer les courriels echanges avec un chercheur de son laboratoire a propos du quatrieme rapport du groupe intergouvernemental d'experts sur l'evolution du climat (GIEC). Dans un autre message, un chercheur explique qu'il prefererait supprimer ses donnees brutes plutot que de les partager avec d'autres - quand bien meme la requete lui en serait faite via une procedure legale, dite du Freedom of Information Act (FOIA).
Pour les "sceptiques", la publicite donnee a ces messages est a double tranchant. Car ceux-ci montrent aussi que des chercheurs presentes comme membres d'une meme "clique" debattent et se contredisent. En outre, ils apparaissent sincerement convaincus de la nullite des travaux des "sceptiques" qu'ils evoquent. Et, de fait, la "science" produite par ces derniers est la plupart du temps demontee dans les regles, voire ridiculisee. Parmi les courriels publies, quelques-uns etaient d'ailleurs tres embarrassants pour des "climato-sceptiques" francais : ils ont ete caviardes, sur certains sites, quelques heures apres leur mise en ligne...
Restent les questions du pourquoi et du comment de cette tenebreuse affaire. Comment des pirates se sont-ils introduits dans les serveurs de l'universite ? Pourquoi l'avoir fait a deux semaines de Copenhague ? Comment de simples hackers ont-ils epluche des centaines de milliers de courriels, couvrant plus d'une decennie, pour n'en selectionner qu'un millier, les plus percutants sans doute ? Seule certitude, ceux qui se sont livres en quelques jours a cet enorme exercice d'edition connaissent le moindre des meandres de la litterature climatologique. Et il y a peu de risques a affirmer que les commanditaires de ce piratage, d'une violence inouie pour les personnes visees, ont beaucoup a perdre a Copenhague.
Au final, ce forfait salit la reputation de deux ou trois chercheurs et pose, il est vrai, la question de la confidentialite de certaines donnees, qui devraient etre librement accessibles et reanalysables. Mais tout cela ne remet rien en cause, loin s'en faut, de la science climatique. Celle-ci repose sur les travaux de milliers de chercheurs et, surtout, ne date pas du GIEC. En 1896, le chimiste Svante Arrhenius (Prix Nobel en 1903) evaluait qu'un doublement du CO2 ferait s'elever la temperature moyenne terrestre de 4 oC a 5 oC environ. Aujourd'hui, les modeles les plus elabores ramenent cette evaluation entre 1,5 oC et 4,5 oC. Ce diable d'Arrhenius etait sans doute, lui aussi, du grand complot...
Charlotte de Silguy

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